Jean-Pierre
POPHILLAT
Prix de la Casa Vélasquez
"40 ans de peinture"
Une exubérance créatrice
Jean-Pierre Pophillat est le fleuriste
de l'art. Mieux il en est l'horticulteur,
car son paysage idéal est issu de la corne
d'abondance des fruits de la terre.
Il va de la beauté des fleurs multicolores
à la douce saveur d'une poire bien mûre.
Il est poète des choses simples de la vie.
Né à Vichy en 1937, Pophillat commence
sa carrière de peintre dans la deuxième
moitié des années soixante, après avoir suivi
les cours d'Arts Appliqués, ceux de l'Ecole
des Beaux-Arts de Paris, passé brillamment
plusieurs concours et obtenu
de nombreuses bourses françaises
et étrangères qui lui permirent,
entre autres, de se rendre en Italie,
pour être enfin pensionnaire jusqu'en 1966
de la Casa Vélasquez à Madrid,
après en avoir obtenu le prix en 1964.
Puis ce fut un parcours d'abord européen
et très rapidement mondial,
que suit jean-Pierre Pophillat,
son premier voyage au japon datant
de 1970, où il expose chez Takashimaya.
Cependant, malgré cette notoriété
internationale, Pophillat reste jean-Pierre
un garçon simple et plaisant,
sachant regarder la vie, toujours admiratif
de cette profusion de formes et de couleurs.
C'est d'ailleurs là l'essentiel de son langage,
de son message, au point que lorsqu'un
malheur le frappe, il reste contemplatif
devant sa toile vierge, incapable
de s'exprimer, incapable de chanter
le bonheur, puisque momentanément
la joie l'a fui, lui qui ne sait qu'exprimer et
communiquer l'Enchantement de la Beauté.
Les toiles de Pophillat sont faites de masses
scintillantes, de reflets et de couleurs ;
de partout émerge la lumière d'un soleil
doux et bienfaisant. Ses rayons rebondissent
et se confondent avec la nature
et entonnent un hymne divin dont il sait
se faire l'interprète. Sans recherche autre
que picturale, sans message compliqué
ou philosophique, Pophillat ne traite
qu'un seul sujet, n'a qu'un but, celui de nous
faire plonger dans le paradis, nous montrer
que contrairement aux Ecritures, le jardin
d'Eden est parmi nous, bien de ce monde,
qu'il nous entoure. Il nous le fait découvrir
pour que nous sachions le voir et y vivre
heureux. Pourtant on ne peut pas dire
que les huiles de Pophillat sont emplies
de calme, elles sont mouvement,
celui de l'exubérance créatrice,
elles sont cette poussée si bien exprimée
en musique par le Sacre du Printemps.
Pophillat qui a vu le jour un 29 août,
en a gardé dans ses grands yeux clairs,
toute la lourde lumière de l'été
dont il continue de nous éclairer.
Christian GERMARK, Arts Actualités Magazine, Février 1994
En 1967, peu de temps après son retour
de la Casa Vélasquez, la carrière
de jean-Pierre Pophillat démarrait
en flèche au Japon. Dans les années 85,
alors qu'il préparait son exposition
à la Galerie Wally Findlay de Chicago,
j'ai eu le plaisir de le rencontrer.
J'appréciais déjà sa peinture
depuis longtemps, pour l'avoir découverte
sur les cimaises des grands salons parisiens.
En 1986, il s'installa une partie de l'année
à Villefranche sur Mer, puis à Cannes,
où il fut impressionné par la limpidité
de cette lumière hivernale de la Côte
d'Azur qui exalte contrastes et couleurs.
Dès lors, cet héritier de l'Ecole de Paris
ne cessera d'intensifier sa palette, de plus
en plus haute en couleurs, tels Matisse
et Bonnard, ses maîtres à penser.
En tant qu'expert, j'ai eu souvent l'occasion
d'évaluer ses toiles dans différentes salles
des ventes ; que ce soit à l'Hôtel Drouot,
au Touquet ou à Cannes.
En août 1990, une de ses plus fortes
enchères fût atteinte à la vente
de prestige du Palm-Beach à Cannes,
sous le marteau de Maitre Besch,
qui adjugea une toile de 64 x 50 cm
La fête des citrons à Menton
pour le prix de 34.000 francs,
frais en sus de l'enchère, dépassant
de beaucoup celui demandé par ses galeries.
Sa récente entrée dans la nouvelle édition
du Bénézit 1999 n'est que la consécration
d'un peintre dont la côte ne cesse
de s'affirmer pour le bonheur
de ses fidèles collectionneurs.
Claude MARUMO. Expert près la Cour d'Appel de Paris. octobre
1999.
Silence dans les jardins
Dans sa quête de la lumière, jean-Pierre Pophillat ne craint pas de
révéler ses éblouissements présents,
innovant dans la construction des toiles et le développement d'harmonies
où les tonalités méditerranéennes
concentrent la vision dans un désir d'azur et de plénitude.
il semble que le regard du peintre se détache de plus en
plus du réel pour reconstruire des paysages d'élection. Une
réalité magique s'impose parfois complètement,
comme si, aujourd'hui le peintre, dans sa pleine maturité, avait la
révélation de cet au-delà de la forme et de la
couleur, et qu'il pouvait le nommer en accusant le bleu du ciel ou imposant
un rythme nouveau dans la
transcription d'un paysage, l'évocation d'une nature morte.
La permanence de la beauté se lit comme une évidence dans
cette concentration autour de thè'mes qui
fonctionnent presque comme des archétypes. De plus en plus une faim
du sud et de l'expansion de la couleur,
d'une palette dominée par le bleu, le blanc, le rose et le vert, oscillant
entre le blanc nu de la chaux et la
fraicheur des jardins maritimes. L'ombre et la lumière, le froid et le chaud,
reçus ensemble, irradiant,'parlent
d'un paradis imaginé dans le déplacement des voyages, le Japon,
Madagascar, la Grèce, l'Italie, le Maroc, le sud
de la France, tant d'horizons! Le caractère particulier de toutes ces
terres, dirait-on bénies des dieux, est
d'être également troublée par des tempêtes que l'on ne peut ignorer,
qu'elles s'inscrivent dans l'histoire des
climats ou celle aussi meurtrière des hommes, mais ce que l'on nous donne
à voir est une nature apprivoisée,
recomposée dont les séismes ont été évacués pour se relier à un âge
d'or mythique.
L'homme est absent. Il a déserté les lieux. Il n'est pas loin.
Il s'est retiré. Une main a disposé les bouquets
sur la table, les tasses, les fruits. Les fleurs sont fraîches, Les
bouquets où pivoines, roses, et renoncules,
allument des feux inattendus sur les balustres blanches d'une terrasse, ou
sur un horizon marin qu'ils occultent
à demi. Le paysage ne renvoie pas seulement à un lieu défini. On pourrait
certes reconnaître, un cap, une baie,
un jardin bien précis, si l'on veut absolument nommer ce que l'on a
sous les yeux, mais le plus souvent le
tableau surgit de toutes les expériences confondues.
Ainsi de la Terrasse du Carlton à Cannes, le peintre a rejoint ses
émotions premières, en Polynésie,
quand il avait été pris dans la violence d'une beauté
irrecevable, dans l'ardeur d'aigue-marine de la mer, le chant
des palmiers dont les troncs noirs, à contre-jour rythmaient l'espace, ce
chant de la beauté remplissant l'âme à
saturation, jouissance structurante, inoubliable et restituée un peu,
chaque fois que le peintre veut peindre la
mer ou l'océan et le ciel, dire à la fois le sentiment de plénitude
dont l'intensité le trouble et le mystère de la
peinture. Sans une émotion véritable, aussi forte, il n'y aurait
qu'un paysage convenu, avec des tables et des
chaises, dans un jardin.
Rentrons dans ce tableau où la mer est d'un bleu sombre, les palmiers
semblables à des cocotiers, où les
montagnes ont des airs de volcans. Le vert d'une pelouse vire au noir. Pelouse
ou talus sauvage en bord de mer
pour le repos de vahinés extraites d'un tableau de Gauguin ? Citation
de l'artiste ou glissement du peintre-
voyageur vers l'acceptation d'un exotisme qui le tourmente ? Mais au premier
plan s'inscrivent les tonalités
acides des fauteuils, le mobilier de jardin, et à travers eux l'Europe et
la grâce des garden-parties. Courbes et
lignes verticales, géométrie des plis et des dessins des nappes
sur les tables où la lumière miroite en flaques. La
tache rose d'un bouquet éclaire le vase bleu nuit. L'artiste rétablit
la vision, l'équilibre. Il ne se perd pas, sait se
retrouver dans ses exigences de géomètre, de constructeur de
formes au milieu de pulsions oniriques
essentielles. Peut-être un jour débordera-t-il des limites qu'il s'impose
?
Devant certaines oeuvres on a envie de dire le décor est planté.
Le décor tel que Matisse a su l'utiliser.
comme élément à part entière de la peinture, le
décor qui est peinture. C'est une autre ambiance que la toile
précédente : on baigne dans une lumière dorée
et le sol arbore des motifs de tapis de jardin. Les plantes
comme des papiers découpés, se détachent vertes et rouges
sur un fond de sable blond. Les fauteuils vides sont
autant de présences éloquentes. Celles d'hôtes invisibles, d'un temps
qui est celui de l'entre-deux, du sursis
d'avant ou après l'action. Il ne se passe rien ici dans un temps fixe,
quand tout est immobile, d'une volupté
estivale. Un buisson ardent de géraniums concentre les rougeurs éparses
au sol. C'est autant la peinture d'une
attente que celle de la clôture dans un monde élu, magnifié, sorti du
contexte quotidien. L'oeil se déplace dans
un espace de couleurs et de formes exprimant la nostalgie d'un monde où
nature et civilisation s'allieraient dans
le plus grand raffinement pour le bonheur de l'homme, pour son plaisir de
sybarite.
Les humeurs de l'artiste altèrent figures et couleurs, déforment
les perspectives. Les fauteuils et les tissus
se chargent d'ombres orangées ou bleues, et les fleurs en masses impressionnistes
peuvent aussi apparaître
comme détachées, cercles et flammèches. Une grille peut
inopinément s'inscrire dans un paysage tout en
vallonnement et rondeurs, venir casser la tranquillité d'une peinture
du calme été. Ce parasol, oblique
inattendue dont la toile n'abrite que le rêve de solitude du peintre,
intervient comme un accord. D'autres
suivront en sourdine, troncs et bois, créant dans leur verticalité
des interstices ou l'oeil peut trouver des
espaces de fuites, sortir de la planéité.
L'histoire de l'art se construit à travers les expériences
et la mémoire. Le privilège de jean-Pierre
Pophillat est dans le détournement de ce qui est convenu, l'invention
de nouveaux rapports de formes et de
couleurs et l'intériorisation des leçons du passé. On le voit, le calme
n'est pas si calme et la sérénité de
l'absence relative. Le paysage n'est pas ce que l'on croit, ni réalité ni
fiction, il retient la rêverie diurne et
nocturne de l'artiste, il la contient comme elle le contient, c'est pourquoi
les paysages de Jean-Pierre Pophillat
provoquent reconnaissance et surprise. La vraie réalité est celle du désir
de l'artiste, répertorier la fulgurance
de la beauté, signe après signe, harmonies après harmonies,
entre mers, ciels et jardins, l'inépuisable, obsédant
silence de la lumière.
Nicole de PONTCHARRA, Critique d'Art, Drôme, France, avril 2000